Mot du jour – Le mur mis à nu, par Aline G.

Un mur est une structure verticale et solide. Généralement façonné par l’Homme, destiné à séparer ou délimiter des espaces.

Le mur devient un être à part entière qu’il soit grand ou petit.

Dénommé mur de la Honte, mur de Berlin, mur de la Discorde, mur des cons, mur des Sables, mur de l’Apartheid, mur de la Paix ; qu’il soit mur aveugle, du son, du silence ou mur anti-intrusion, le mur s’octroie divers emplois, embelli, amoché, placardé, de rassemblement, de discorde, sous différentes formes, de différents matériaux ou dans différents lieux.

La réalité de tout temps est que les empires ou les états ont construit des murs afin d’instaurer une séparation avec une catégorie d’humains qu’ils considèrent comme différente.

« Séparer les civilisés des barbares, les nomades des sédentaires, les bons des mauvais, les riches des pauvres, les blancs des noirs, les Etats-Unis du Mexique, l’Est de l’Ouest, le Nord du Sud, la Corée de la Chine, Israël de la Palestine, les chats des chiens, mon bétail de celui du voisin…

Bien que ces murs se soient presque souvent effondrés avant d’atteindre le but qui leur était fixé, ce marathon de la séparation se poursuit et ne semble pas près de s’arrêter. Il s’avère que ce soit une des caractéristiques des états de persister à construire des systèmes ayant déjà fait preuve d’inefficacité.

Une partie de l’humanité se retrouve face au mur

Elle se retrouve face aux murs (de Sartre), des prisons (de Foucault) ou des ghettos (de Wacquant). L’expression de l’enfermement – entre quatre murs – que beaucoup se représentaient comme dépassée: le monde s’ouvre avec la chute du mur de Berlin et l’arrivée d’une ère d’échanges qu’on appelle : globalisation.

Notre époque, qui a proclamé à l’aube des années 90 la « fin des territoires », constate leur multiplication. Les frontières semblent occuper le devant de la scène du débat public, économique et politique.

Ces débats, on peut en parler à un mur. Ces traces que les hommes, en tout temps et en tout lieu, ont laissées sous forme d’inscription manuscrite sur les murs des bâtiments de l’espace public. Inscriptions faites de sang, de feutres, de blanco ou de peinture. Ces graffitis révèlent une diversité de fonctions et de significations : traces de passage, repères de trajets, signatures ou marques identitaires, messages clairs ou codés, déclarations d’amours par milliers, injures, cœurs brisés, marquage de territoire, de provocation, grandes inscriptions cultuelles ou publicité bien trop mensongère. Ces auteurs ont pour ambition d’intervenir dans la cité pour l’embellir ou la démolir.

Le mur se dédouane de toute action, il reçoit, se recouvre, fier, sans plier, il expose aux yeux de tous et exprime ce que l’on murmure lorsque l’on se retrouve au pied du mur.

Faire le mur, construire le mur…

On se retrouve au pied du mur des Lamentations à Jérusalem, lieu de rassemblement sacré et lieu traditionnel de prière où les fidèles viennent déplorer la ruine du Temple. L’esplanade est également un lieu de rassemblement et de célébration de fêtes religieuses et d’événements nationaux. Pour quitter ce lieu d’ailleurs, nous reculons face à celui-ci, pour ne pas se retrouver dos au mur.

On peut aussi bien faire le mur, s’émanciper d’un contexte par soi-même, plus souvent d’une prison, d’une école ou de chez soi. Sortir sans permission, sans autorisation. L’art de faire le mur, c’est s’enfuir, transgresser les règles, goûter à la liberté sans demander la permission, sans avoir à passer par la porte d’entrée.

Faire le mur c’est aussi le construire, c’est au pied du mur qu’on y voit le maçon.

On peut se trouver entre quatre murs, de son propre gré ou non. Les hommes depuis la nuit des temps ressentent le besoin de construire un foyer, construit en paille, en bois ou en briques bien solides. On y établit son territoire et ses propres limites par rapport au monde extérieur, le foyer assimilé à une fortification. Ces murs préservent ce que nous créons, vivons ou laissons en héritage. La maison est comme un lieu magique, traité comme un temple. On s’y sent en sécurité, abrité entre ses quatre murs.

Il ne suffit pas de construire un mur physiquement, à court terme les murs remplissent leur fonction, mais les populations trouvent toujours un moyen de les contourner.

Même si le mur s’avoue être indestructible plus idéologiquement que physiquement, il ne suffit pas d’édifier un mur pour empêcher les hommes de penser.

À force de construction et de séparation on finira par ne parler qu’aux murs.

Auteure : Aline Gonzwa

(c) Ill. Pixabay

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