Mot du jour – Punaises !

Après la pandémie Covid, les tiques estivales, les TOC annuels, les poux de rentrée, les punaises sont de sortie. Ou quand les hématophages provoquent une mini-fièvre dans l’infosphère, remplaçant l’égrenage de « morts au kilomètre » par l’affichage « de multiples preuves de morsures au réveil » instagramables et peu ragoûtantes.

Voyons comment un truc grand comme un pépin de pomme génère une flippe nationale…

Les infections, c’est toujours la faute des autres

« J’ai des poux. C’est à cause du bonnet crado de Louise ou de Gabriel dans le bac-à-tout ».

Avec les punaises de lit, le matelas d’autrui n’amortit plus rien. Il y en a tellement partout que la cause de leur présence ne peut plus seulement être imputée à des stéréotypes ou à des réflexes de la pensée : un manque de propreté (vs. se laver les mains pour éviter toute contamination), de prophylaxie (vs. porter un masque aux mêmes fins), ou l’absence d’un geste envers les autres (vs. se vacciner c’est bon pour le collectif). En somme, les punaises de lit bouleversent la lecture du monde imposée par la pandémie Covid.

Les infections, c’est toujours honteux et culpabilisant

« J’ai une IST et des morpions. Je ne me suis peut-être pas assez protégé ou j’ai trop fait confiance… En tout cas, je ne l’ai dit à personne ».

Mais quand le cirque médiatique s’en mêle, monte les punaises de lit en épingle, le promeut presque en cause nationale à coup d’information pédagogique, de vulgarisation scientifique, de prises de positions d’experts, alors avoir des punaises devient mainstream.

Ces insectes, au cœur des conversations et préoccupations du vulgum pecus, font l’objet de prises de parole guerrières de la part de personnalités politiques. Pour les éradiquer, des frappes chirurgicales ne suffiront pas, affirment-elles. Le Ministre de la Santé non plus ne suffira pas à porter un tel combat… « Il faut mobiliser toutes nos forces ». La Première Ministre, Maîtresse de guerre, Faucon des punaises, y voit probablement un sujet pour se positionner (1), pour montrer sa capacité d’action, se parer en protectrice et se refaire aisément une santé politique face à l’envahisseur de nos foyers. La punaise vire à l’instrument politique à accrocher au tableau de chasse des politiques et devient un « bon client » des médias.

Deux bonnes nouvelles portées par ces mauvaises bestioles

En effet, avec les punaises, les médias ont mis en avant une info qui n’était pas de la dernière fraîcheur (euphémisme), à un moment où l’actualité était en creux. Puis ils ont mis du temps à vérifier quelques -rares- fake news, faisant quand même le lit d’une psychose post-estivale (sans basculer dans un punaisegate). Un air de déjà-vu…

Retournons le matelas. Hypothétisons que les punaises peuvent permettre à leurs victimes d’avancer dans le travail sur soi : on n’y peut rien, on ne peut en vouloir à personne, et c’est comme ça. Elles aussi sont « ingouvernables ». Peut-être alors peuvent-elles nous enseigner comment lâcher prise, comment ne pas paniquer, comment réagir rationnellement et pas épidermiquement. Ce qui vaut pour les punaises vaut pour l’information en général.

Finalement, les punaises de lit, moins présentes dans les logements que dans les médias, illustrent le caractère résilient de la population et son tempérament bien trempé : chaque foyer saura combattre l’ennemi qui aura franchi ses portes.

Le traitement des punaises de lit illustre la victoire de l’homme sur l’animal, de la technique sur la nature et rappelle que l’Homme a adapté la Nature à ses besoins et a rendu le monde disponible (2).

***

(1) « Malgré sa taille une petite cheville de bois peut remettre d’aplomb une pagode », Roger Darrobers, Proverbes chinois, cité dans 1111 Citations de stratégie, marketing, communication.

(2) Voir Hartmut Rosa, Rendre le monde indisponible, lire cette synthèse

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