Mot du jour – Le courage

« Courage ! » est-il soufflé aux oreilles du concouriste, de l’endeuillé, de l’acteur stressé, de l’impétrant aux urgences médicales… Le courage renvoie à un comportement idéal ; il consiste à se comporter comme un modèle admiré et suivi, afin de générer les mêmes effets, forcément positifs pour celui qui endosse les habits du courage.

Il existe tellement de modèles (ou d’archétypes ?) du courage en stock et sur étagères… que chacun peut choisir le sien…

Est-ce celui de la Mère Courage de Brecht ? [0] Celui d’Etienne Lantier ? « Il se lance à corps perdu dans l’action révolutionnaire, révolté par la misère et la résignation de ses camarades. L’emportant sur les autres mineurs par son intelligence, son courage et sa personnalité, il devient leur chef » [1].

Modèles du courage

« Vous pouvez préférer Achille, le guerrier homérique (…), le grand homme ou le citoyen ordinaire, le sage socratique ou le héros d’un jour du journal télévisé. Nul relativisme cependant : le point commun entre toutes ces figures, c’est qu’elles associent, chacune à sa manière, endurance et patience, réflexion et action, savoir et pouvoir » [2].

A chaque fois, le courage des illustres se consolide par un tempérament et s’illustre par des actes passés. Car le courage se prouve. Le dire ne suffit pas.

Communicationnellement, il doit s’accompagner d’une preuve. Pourtant il n’est ni une promesse ni un bénéfice. Une marque pourrait-elle promettre d’être courageuse ? Une marque pourrait vendre au consommateur le bénéfice d’être courageux ?

Anne Hidalgo promet-elle le courage ? Vend-elle le bénéfice du courage ? A-t-elle fait preuve de courage ?

L’affirmation du courage ne supporte pas l’ellipse, sous peine d’être une affirmation sans preuve ; elle convoque chez les cibles une connaissance des actes courageux de l’émetteur du message et frôle la sur-promesse, celle de se prévaloir de ce que l’on n’est pas ou de ce que l’on n’a pas fait. En somme, un narcissisme consistant à se croire plus connu et ayant une image non corroborée par la réalité.

Le courage modelé

Le courage, ensuite, comme le rappelle Alexandre Lacroix, « de l’ordre de la moralité collective, a glissé dans la sphère de la moralité individuelle. Il ne s’agit plus de défendre une cause extérieure -une cité, une patrie, une valeur- mais de se dépasser soi-même. Chacun mesure la bravoure à son aune propre » [3].

Conséquemment, Anne Hidalgo, femme de son époque, parle-t-elle d’elle (certes comme tous les autres candidats…).

Elle s’auto-congratule et ne se place pas en lumière-incarnation d’un courage ou d’une vertu cardinale et mythique au service de tous.

Elle se pose en émettrice d’information. Pas en communicante qui pense la « voie retour », saisit l’insight et se met à la place de la cible, jusqu’à lui proposer un entraînement mutuel pouvant l’emporter vers une épopée dans laquelle chacun est un héros.

A la place, la candidate à la présidentielle 2022 s’affiche, au sens littéral du terme, et suppose que l’assertion du courage en vaut la preuve.

A ce titre elle commet une erreur de stratégie discursive et de positionnement communicationnel : le courage n’est jamais d’affirmer. Il nécessite de prendre des risques, d’argumenter et de défendre ses positions face à l’adversité, pour in fine choisir « le parti de la vie » [0], comme celui de Mère Courage, justement, pour laquelle le courage n’était pas un fantasme mais une (dramatique) réalité.

Cet article a été publié sur LinkedIn Pulse : https://www.linkedin.com/pulse/le-courage-entre-soft-skills-et-communication-saint-michel/

Aller plus loin

[0] Bertolt Brecht, Mère Courage et ses enfants, 1941
https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A8re_Courage_et_ses_enfants

« Mère Courage est chaleureuse, retorse et pitoyable, victime elle aussi par aveuglement du métier qu’elle choisit. Pour gagner quelques sous, elle perd toute sa famille. La guerre lui prend ses enfants, l’un après l’autre. Elle se dit alors qu’ « il ne lui reste plus rien à vendre et que plus personne n’a rien pour acheter ce rien ».

Cependant elle ne renonce pas et reprend la route avec cette obstination de ceux qui, au bout du malheur, choisissent toujours le parti de la vie« .

[1] Emile Zola, Germinal, 1885. Par Emily Noy & Audrey Bihi-Zenou https://www.bmlisieux.com/litterature/gambier/gambie03.htm

[2] https://www.philomag.com/dossiers/le-courage-aujourdhui 2012

[3] Alexandre Lacroix, Microréflexions, Champs essais, 2019 p. 81. A consulter aussi sur Google Books : https://books.google.fr/books?id=Zl2vDwAAQBAJ&lpg=PT83&ots=JsnKuBJqkZ&dq=courage%20alexandre%20lacroix%20%22le%20propre%20de%20la%20moralit%C3%A9%22&hl=fr&pg=PT82#v=onepage&q&f=false

L’affiche par laquelle le Mot du Jour est arrivé :