Mot du jour – Salut à toi, O mon chef !
|Signal… Feu vert, je passe ! Mon officier parait, je le salue ! Signal encore.
Le salut militaire, allégeance à un élément supérieur dans / au (terrain de) jeu, est hors du champ sportif et entre dans celui de la politique car il prend sens par rapprochement géopolitique d’actualité, par échanges avec le contexte. Un salut au stade de Berlin en 1936 revêt ainsi un sens différent du poing levé de Tommie Smith et John Carlos aux JO de Mexico en 1968. Dans ce dernier cas, le geste était dénonciation. Le salut nazi, lui, ne dénonce rien. Celui des footballeurs turcs non plus. Mais dans les trois cas, le geste est défi et révérence car le signal s’est muté en signe du fait de sa mise en culture. Il devient signe d’affiliation, de partage, d’intégration. Par le salut, le reconnais appartenir à un groupe, j’en assume toutes les valeurs et la culture, je l’affirme, l’affiche et le revendique haut et fort. Et je reconnais me placer sous l’autorité de mon leader, appelé chef, Führer, Duce, Caudillo… Alors quid de ma liberté ?
Le salut est-il salvateur ?
Footballeur, puis-je faire autrement que de saluer avec mes pairs ? Le groupe ne me contraint-il pas ? Gardai-je mon libre… arbitre, sachant que le conformisme augmente mécaniquement avec la taille du groupe, et que plus le groupe est unanime, plus l’individu se conforme, comme s’il perdait sa capacité à prendre de la distance et à réfléchir, ainsi que le précise Sigmund Freud dans Psychologie des Masses et analyse du moi (1932) ?
Non footballeur, si je reprends ce salut militaire avec mes pairs, suis-je libre ? Raphaël Enthoven, apporte la réponse, à l’époque au sujet du relais du geste de la « quenelle » par de nombreuses personnes, et relève « un troupeau d’esprits libres, un rebellisme grégaire (indûment présenté comme un « acte d’émancipation populaire »), une foule qui s’ignore, à qui personne n’a jamais appris que tendre le bras, c’est toujours être manipulé ».
Portée médiatique
Aurait-on accordé l’once d’un regard à un salut effectué dans une salle de bain, seul devant une glace ? Ce salut militaire ne vaut que par son aspect groupé, médiatisé et public. Il lui faut de la visibilité pour qu’il obtienne l’effet escompté. Le footballeur saluant dans un stade est ainsi comme un influenceur exhibitionniste : son geste ne vaut que s’il est contemplé, son plaisir ne se déploie que lorsqu’il choque. Ne pas lui accorder de regard est le dévitaliser, en réduire l’effet, et le replacer à l’état flaccide.
Repos !
Salut à vous…
Enthoven, la quenelle et le « baisse main » : https://www.huffingtonpost.fr/raphael-enthoven/signification-quenelle-dieudonne_b_5019833.html
Comment moins subir la pression et le conformisme du groupe au service marketing ? http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-libre/pression-psychologique-groupe-entreprise-201609.html