Mot du jour – Barbare

« C’est des barbares », s’insurge Jean-Luc Mélenchon, évoquant la répression policière en septembre 2019.

Le barbare… Cette allitération brutale vomit (que le barbare c’est) l’autre ; l’autre, celui qui est de l’autre côté du mur que j’élève pour l’éloigner. Car le barbare est mon prochain que je cherche à mettre à distance, que je dé-proche, auquel j’enjoins des re-proches.

Reproches de ne pas avoir la même culture que moi, de ne pas honorer les mêmes dieux et ne pas pratiquer la même langue. Côté langue, d’ailleurs, tout a commencé dans l’Antiquité, où grecs et romains qualifiaient de barbares les peuples non gréco-romains. Hérodote, le « Père de l’Histoire » précisait que « les Égyptiens appellent barbares tous ceux qui ne parlent pas leur langue ». En somme, comme il n’est pas « de chez nous », l’étranger est donc un barbare. L’angle-mort commençait à naître dans la langue morte…

Le barbare est l’objet de mon venin et de mon regard dédaigneux, distanciant. Il est tout ce que je rejette chez moi, tout ce que j’ai enfoui dans mon nombril d’ethnocentricité débordant de préjugés : je suis civilisé. Je suis quelqu’un… qui se construit par opposition à autrui, et pas avec autrui, comme le propose la philosophie, dont la lettre Phi est pourtant la marque figurative de La France Insoumise. Mon égo déborde d’un sentiment de supériorité. A tel point que j’ai déjà pu dire « la République, c’est moi ». Les autres ne sont donc PAS la République civilisée et démocratique que j’incarne. En conséquence, vous n’êtes que des barbares et j’en profite pour combler ma faille narcissique.

Alors je manipule en activant les leviers de l’évidence et en érigeant comme un concept partagé un sophisme de premier ordre : le flic ça tape et c’est méchant ; en 68, les CRS étaient des SS. Donc, un flic, c’est un barbare.

Pouvez-vous, voulez-vous, vous tous, être soumis à la barbarie sans broncher ? Mon devoir est de m’indigner, de me révolter contre une injustice que vous reconnaissez tous. Comme je me reconnais en vous et que je suis votre élu (intéressant terme, proche de vox populi, vox dei…), vous allez reconnaître que les barbares qui me préoccupent sont ceux qui vous oppressent. Alors, résistez, soyez insoumis.

Le tribun est un sophiste se voulant prophète.

Le tribun est aussi catastrophiste : il a su « renverser » la foule, au sens étymologique. Il a aussi su renverser le flux informationnel, considérant que ses propos ont été volés, par d’autres barbares, probablement : les médias, illustrant que Proudhon avait raison : la propriété, même de ses propres mots, c’est le vol.

Le barbare : https://fr.wikipedia.org/wiki/Barbare

Hérodote, Histoires, Livre II, Euterpe

Bernard Lavilliers, Les Barbares, 1976

Les Barbares habitaient dans les angles tranchants
Des cités exilées au large des business
Ils rivaient leurs blousons d’étranges firmaments
Où luisaient la folie, la mort et la jeunesse

Le gang des barbares, 2006
https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_gang_des_barbares
https://www.youtube.com/watch?v=UqzJuQMHPC0

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